TEMPS PARTIEL : REGLES DE FOND ET DE FORME
10 juin2021

Par Maître Aurélie Roche, avocate au cabinet Edgar Avocats, Paris
Parce qu’il est considéré qu’il revêt une forme de précarité par comparaison à un travail à temps complet, le travail à temps partiel est strictement encadré par le code du travail et donne lieu à une jurisprudence particulièrement protectrice des intérêts des salariés concernés.
De prime abord, le travail à temps partiel peut être défini simplement : est à temps partiel le salarié dont le temps contractuel de travail est inférieur à la durée légale du travail (2) appréciée sur la semaine (35 heures), sur le mois (151,67 heures) ou sur l’année (1.607 heures).
Un temps de travail exprimé en heures
Soulignons qu’il s’agit exclusivement d’un temps de travail exprimé en heures : une convention de forfait en jours comprenant un nombre réduit de jours de travail n’est pas une forme de travail à temps partiel. De ce fait, son recours n’est pas soumis aux règles qui sont applicables au travail à temps partiel (3).
Par ailleurs, depuis 2014, le salarié à temps partiel bénéficie d’une durée minimale de travail déterminée par accord collectif, ou à défaut d’accord, par la loi qui fixe une durée minimale à 24 heures par semaine ou, le cas échéant, à l’équivalent mensuel (104).
Il peut être dérogé à la durée minimale, qu’elle soit d’origine conventionnelle ou légale, à la demande écrite et motivée du salarié pour 2 raisons alternatives : soit pour faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs emplois. Des dérogations sont également prévues par la loi au bénéfice des contrats temporaires d’une durée inférieure à 7 jours, des contrats temporaires de remplacement et des contrats conclus avec des étudiants de moins de 26 ans.
Une mise en place possible même en l’absence d’accord collectif
Ceci étant précisé, le travail à temps partiel peut être mis en place à l’initiative de l’employeur ou du salarié, même si aucun accord collectif n’encadre le travail à temps partiel dans l’entreprise (4). Un accord collectif demeure nécessaire pour pouvoir mettre en œuvre les aménagements autorisés par le code du travail (par exemple, pour augmenter le plafond des heures complémentaires) et obligatoire pour mettre en œuvre un temps partiel annualisé (5) ou augmenter temporairement, par voie d’avenant à durée déterminée, la durée du travail prévue au contrat.
En l’absence d’accord collectif, le travail à temps partiel peut être pratiqué dans l’entreprise après consultation du comité social et économique, dès lors qu’il existe. Son avis devra être transmis à l’agent de contrôle de l’inspection du travail si celui-ci le demande. En l’absence d’instances représentatives du personnel, l’agent de contrôle doit être informé de la mise en place du travail à temps partiel (6).
En tout état de cause, qu’il existe ou non un accord collectif, le passage d’un temps complet à un temps partiel, et vice versa, constitue une modification du contrat de travail qui ne peut être mise en œuvre qu’avec l’accord des parties. C’est la raison pour laquelle le refus par un salarié d’effectuer un travail à temps partiel ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.
A l’inverse, le droit pour l’employeur de refuser la demande du salarié de passer à temps partiel n’est pas discrétionnaire :
- D’une part, l’employeur est tenu de faire droit à la demande du salarié dans certains cas particuliers : congé parental d’éducation, congé de solidarité familiale, temps partiel thérapeutique ou utilisation du compte personnel de prévention de la pénibilité ;
- D’autre part, lorsqu’un salarié demande à passer à temps partiel, l’employeur ne peut refuser que s’il justifie de l’absence d’emploi disponible ressortissant de la catégorie professionnelle du salarié ou de l’absence d’emploi équivalent ou s’il démontre que le changement demandé a des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise (7).
L’avenant au contrat de travail.
Lorsque les parties se sont accordées sur le travail à temps partiel, un contrat ou un avenant au contrat de travail doit être établi par écrit (8) sous peine de sanction pénale (9) et/ou civile. Conformément aux exigences légales (10), le contrat de travail ou l’avenant doit notamment préciser :
- La durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de cette durée entre les jours de la semaine dans le premier cas ou les semaines du mois dans le second cas,
- Les cas dans lesquels une modification de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification,
- Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié,
- Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail contractuelle convenue, étant rappelé que les heures complémentaires sont majorées et que leur exécution ne peut avoir pour effet de porter la durée de travail au niveau de la durée légale car une telle irrégularité peut être sanctionnée, dès la première survenance, par la requalification en contrat de travail à temps plein (11).
- En l’absence d’un écrit ou à défaut des précisions nécessaires concernant la durée de travail et la répartition des heures de travail, le contrat est présumé conclu à temps complet. En cas de contentieux (12), le salarié peut dès lors réclamer le rappel de salaire correspondant. Il en est de même s’il résulte des conditions d’exécution de son contrat de travail qu’il était placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler (13).
- Toutefois, l’employeur peut démontrer l’accord des parties sur un travail à temps partiel s’il rapporte la preuve, par tout moyen, des deux éléments cumulatifs suivants : d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d’autre part, du fait que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n’était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition (14).
- En conclusion, si le travailleur à temps partiel doit bénéficier d’une égalité de travail avec les salariés à temps plein, l’employeur doit veiller à encadrer le travail à temps partiel de façon plus rigoureuse, afin de respecter notamment le droit du salarié à temps partiel à cumuler plusieurs activités.
Maître Aurélie Roche,
Associée du cabinet Edgar Avocats, j’assiste, en droit du travail et en compliance, de grandes entreprises et des PME dans un très large éventail de secteurs, avec un accent sur la santé, les sciences de la vie et le BTP.
Je conseille mes clients sur des questions d’exécution du contrat de travail.
[1] Ce billet actualise le billet publié le 14 novembre 2017 et présentant les règles de fond et de forme devant être respectées en cas d’emploi à temps partiel.
[2] Si la durée conventionnelle de travail appliquée par l’entreprise est déjà inférieure à la durée légale du travail, sera à temps partiel le salarié travaillant un nombre inférieur à cette durée conventionnelle.
[3] Cass. soc. 27 mars 2019 n° 16-23.800
[4] A noter que la mise en place du travail à temps partiel est un thème qui doit être abordé lors de la négociation annuelle obligatoire dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux.
[5] Cf. l’article L. 3121-44 du code du travail
[6] Cf. les articles L. 3123-26 et D. 3123-2 du code du travail
[7] Le salarié doit adresser sa demande six mois au moins avant la date de mise en œuvre qu’il envisage par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette demande devra préciser la durée du travail souhaitée. L’employeur est tenu de répondre dans un délai de 3 mois à compter de la réception de la demande.
[8] L’exigence d’un écrit s’applique même si le salarié est passé à temps partiel à sa demande (Cass. soc. 20 janvier 2021, n° 19-23.377)
[9] L’absence de contrat écrit est sanctionnée par une contravention de 5ème classe (1.500 €) pour chaque salarié concerné (art. R. 3124-5 du code du travail)
[10] Cf. l’article L. 3123-6 du code du travail
[11] Cass. soc. 9 décembre 2020 n° 19-15.897 ; Cass. soc. 3 février 2021 n° 19-13.339
[12] Le délai de prescription applicable est de 3 ans (Cass. soc. 9 septembre 2020 n° 18-24.831)
[13] Cass. soc. 17 février 2021 n° 18-26.545 et n° 18-16.298
[14] Cass. soc. 15 janvier 2020 n° 18-16.158 et n° 18-20.104
Thierry Bobineau, Directeur Marketing chez Horoquartz