ACTUALITÉS JURIDIQUES : QUELS OUTILS POUR FAIRE FACE A UNE SITUATION DE SOUS-ACTIVITÉ ?
26 octobre2020

Les dispositions légales, directives, recommandations se sont enchaînées depuis le début de la crise sanitaire. Elles visent à proposer un cadre juridique en matière d’organisation du travail adapté à ce contexte exceptionnel. Mais il devient difficile pour les entreprises d’avoir une vision d’ensemble de l’environnement légal et réglementaire et de leurs éventuelles conséquences sociales, juridiques et opérationnelles.
Comment bénéficier au mieux des différents outils en cas de sous-activité ? Maître Aurélie Roche, du Cabinet brl, revient pour Horoquartz sur les dispositions en vigueur.
Le recours à un outil de gestion de crise nécessite un diagnostic préalable s’appuyant sur une analyse de la situation de l’entreprise et la détermination de ses objectifs à court, moyen et long termes. Cela permettra d’identifier l’outil le plus adapté et, le cas échéant, d’éviter les licenciements pour motif économique. 4 dispositifs permettent de faire face à une situation de sous-activité.
Le dispositif d’activité partielle longue durée (APLD)
1. Dispositif d’activité partielle « de droit commun »
Le dispositif d’activité partielle « de droit commun » vise à faire face à une baisse d’activité ponctuelle (3 mois de recours, renouvelable une fois). Ce dispositif a été aménagé dès le mois de mars pour faire face à la crise sanitaire : à compter du 1er novembre 2020, retour à des demandes de recours pour 3 mois.
Jusqu’au 1er novembre :
- Les salariés reçoivent des indemnités d’activité partielle à hauteur de 70% de leur rémunération brute pour les heures non travaillées.
- L’employeur bénéficie d’une allocation allant de 60 à 70% de la rémunération brute (dans la limite de 4,5 SMIC) antérieure des salariés selon les secteurs d’activité.
Entre le 1er novembre et le 31 décembre 2020 (selon l’ordonnance du 14 octobre 2020 et les projets de décret obtenus le 19/10/2020) :
- Les salariés devraient recevoir des indemnités d’activité partielle à hauteur de 60% de leur rémunération brute pour les heures non travaillées. Un taux de 70% de la rémunération brute serait appliqué pour les salariés des employeurs particulièrement touchés par la crise qui bénéficient de taux majorés pour l’allocation.
- L’employeur devrait bénéficier d’une allocation correspondant à 36% de la rémunération brute antérieure des salariés. Un taux de prise en charge majoré (70% de la rémunération antérieure brute du salarié) serait maintenu pour :
– Les employeurs relevant des secteurs particulièrement affectés : tourisme, hôtellerie, restauration etc… (liste en annexe 1 du décret à venir) ;
– Les employeurs qui exercent leur activité principale dans des secteurs affectés lorsqu’ils ont subi une diminution de chiffre d’affaires d’au moins 80 % durant la période comprise entre le 15 mars et le 15 mai 2020 (liste en annexe 2 du décret à venir) ;
– Les employeurs dont les établissements recevant du public pour la durée durant laquelle leur activité est interrompue, partiellement ou totalement, du fait de la propagation de l’épidémie, à l’exclusion des fermetures volontaires.
2. Dispositif d’activité partielle de longue durée
Il s’agit d’un dispositif créé par la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 et le décret n°2020-926 du 28 juillet 2020 et ayant pour objectif d’accompagner les entreprises subissant un choc durable mais avec la perspective de reprise d’une activité plus élevée à moyen terme.
L’APLD est mise en place par accord d’établissement, d’entreprise ou de groupe ou par document unilatéral fondé sur un accord de branche étendu. Ces accords (ou le document unilatéral) peuvent être d’une durée de 24 mois consécutifs ou non, sur une période de référence de 36 mois consécutifs,
L’employeur les transmet à la DIRECCTE (délai de validation : 15 jours pour un accord et délai d’homologation de 21 jours pour un document unilatéral).
Les autorisations sont délivrées pour une durée de 6 mois par l’administration et, avant chaque demande de renouvellement, l’employeur doit transmettre un bilan des engagements pris et du diagnostic actualisé de la situation de l’entreprise.
Les représentants du personnel et les organisations syndicales signataires de ces accords sont informés au moins tous les trois mois de la mise en œuvre de l’accord et avant chaque demande de renouvellement de l’autorisation.
Le dispositif permet de réduire la durée du travail dans la limite de 40 % de la durée légale (ou 50 % en cas de circonstances exceptionnelles, si l’accord ou le document le prévoit, et après autorisation de l’administration), en moyenne, par salarié, sur la période d’application de l’accord ou du document unilatéral.
L’indemnité de l’activité partielle pour le salarié s’élève à 70% de sa rémunération antérieure brute pour les heures non travaillées.
Pour l’employeur, elle s’élève à 60% et pourrait être portée à 70% si l’employeur y est éligible (projet de décret obtenu le 19 octobre 2020). En contrepartie, l’employeur doit prendre des engagements en matière d’emploi et de formation professionnelle. En cas de non-respect de ces engagements, l’autorité administrative peut demander le remboursement des sommes perçues.
L’accord de performance collective (APC)
Ce dispositif créé en 2017 vise à répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise, à préserver ou à développer l’emploi. Il est soumis à la conclusion d’un accord collectif majoritaire (aucune condition d’effectif).
L’APC peut :
- Aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ;
- Aménagement la rémunération, dans le respect du salaire minimum interprofessionnel de croissance et des salaires minimas conventionnels ;
- Déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.
Les stipulations de l’accord de performance collective se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail y compris en matière de rémunération, de durée de travail ou de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.
Le salarié dispose d’un délai d’1 mois pour refuser, par écrit, la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’APC, à compter de la date à laquelle il a été informé de l’existence et du contenu de l’accord ainsi que son droit d’accepter ou de refuser l’application de l’APC.
L’employeur dispose alors de 2 mois pour engager une procédure de licenciement pour le motif suivant :
- Motif spécifique « sui generis » qui constitue une cause réelle et sérieuse
- Application de la procédure de licenciement pour motif personnel
- Obligation pour l’employeur d’abonder le compter personnel de formation du salarié (3000€).
La rupture conventionnelle collective (RCC)
L’objectif de la RCC est de prévoir, par accord collectif, des suppressions d’emplois, en excluant le recours au licenciement. Elle est soumise à la conclusion d’un accord collectif majoritaire (aucune condition d’effectif). L’employeur doit avertir la Direccte de l’ouverture d’une négociation.
L’accord de RCC est transmis à l’Administration qui s’assure que :
- L’accord comporte bien toutes les mesures imposées
- Les mesures de reclassement sont précises et concrètes
- La procédure d’information du CSE a été réalisée le cas échéant.
L’Administration notifie à l’employeur, au CSE et aux signataires, dans les 15 jours, sa décision motivée. L’absence de réponse dans les 15 jours vaut décision implicite de validation.
En cas d’acceptation de l’employeur de la candidature d’un salarié dans le cadre de la RCC, la rupture du contrat de travail est considérée comme étant d’un commun accord. Le salarié ouvre droit aux indemnités de rupture prévues par la RCC et aux allocations d’assurance chômage.
L’accord de RCC doit faire l’objet d’un suivi dans sa mise en œuvre. En présence d’un CSE, celui-ci doit faire l’objet d’une consultation régulière et détaillée et les avis sont transmis à la Direccte. L’employeur doit également rédiger un bilan portant sur la mise en œuvre de l’accord qui devra être transmis à la Direccte.
Les aides au paiement des cotisations
1. Exonération de cotisations sociales patronales
- Employeurs de moins de 250 salariés (au 31.12.19) : Sont concernés les entreprises du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l’événementiel. Ces dernières doivent avoir été particulièrement affectées par la crise sanitaire. La période d’emploi prise en compte est compris entre le 01/02 et le 31/05/20. Sont également concernés les employeurs de secteurs dépendant de ceux précités, et qui ont subi une très forte baisse de leur chiffre d’affaires.
- Employeurs de moins de 10 salariés : Sont concernés les employeurs dont l’activité principale relève d’autres secteurs que ceux visés ci-dessus, implique l’accueil du public et a été interrompue du fait de la propagation de l’épidémie de covid 19 (à l’exclusion des fermetures volontaires). La période d’emploi concernée est comprise entre le 01/02 et le 30/04/20.
2. Aide au paiement de cotisations pour les entreprises de moins de 250 salariés
Cette aide égale 20% du montant des rémunérations au titre desquelles l’employeur fait l’objet de l’exonération exceptionnelle de cotisations. Cette aide s’applique à l’ensemble des sommes dues aux organismes de recouvrement au titre de l’année 2020 après application du dispositif d’exonération de cotisations et toute autre exonération totale ou partielle applicable.
3. Plan d’apurement et remise de dette pour les entreprises de moins de 250 salariés
Les employeurs pour lesquels des cotisations et contributions sociales resteraient dues à la date du 30/06/20 peuvent bénéficier de plans d’apurement conclus avec les Urssaf.
En outre, les employeurs qui ne bénéficient pas de l’exonération de cotisations peuvent demander à bénéficier, dans le cadre des plans d’apurement prévus ci-dessus, d’une remise partielle des dettes de cotisations et contributions patronales constituées du 01/02 au 31/05/20. Sont concernés les employeurs dont l’activité a été réduite d’au moins 50% par rapport à la même période de l’année précédente. Cette remise ne peut excéder 50% des sommes qui sont dues et est acquise sous réserve du remboursement de la totalité des cotisations et contributions salariales incluses dans le plan d’apurement.
Maître Aurélie Roche,
Associée du cabinet Edgar Avocats, j’assiste, en droit du travail et en compliance, de grandes entreprises et des PME dans un très large éventail de secteurs, avec un accent sur la santé, les sciences de la vie et le BTP.
Je conseille mes clients sur des questions d’exécution du contrat de travail.